La Collection Lambert à Avignon a réouvert ses portes et présente jusqu’au 11 octobre 2015 une exposition en hommage à Patrice Chéreau.
Les salles d’exposition font entrer en résonance des œuvres contemporaines et anciennes avec les créations de Chéreau pour le théâtre, l’opéra et le cinéma, elles-mêmes si souvent inspirées par les visages et les corps peints par Géricault, Titien ou Courbet.
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Fils d’un peintre, passionné de peinture, invité par le Louvre en 2010 à présenter son propre accrochage, Patrice Chéreau a d’abord dessiné ses scénographies avant de les confier à Richard Peduzzi et de se concentrer sur l’étude des textes – ceux de Koltès, de Genet, de Shakespeare, de Racine, de Jon Fosse…
Le parcours de cet « homme habité par les textes » (selon Nathalie Léger, directrice de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine) est retracé, de manière plus documentaire, par des tables d’archives où l’on trouve en particulier des livres annotés et des lettres. Sur la première page de Dans la solitude des champs de coton, ses observations au crayon fixent les silences et les vertiges qui seront traduits par les acteurs.
Une lettre adressée à Wolfgang Wagner énonce une idée très simple qui va pourtant révolutionner l’opéra de l’époque : « L’intérêt de la Tétralogie du Ring est d’abord – comme première impression – que l’on peut faire un vrai travail théâtral, un vrai travail de mise en scène sur un opéra. » Les extraits filmés de cette Tétralogie, montée à Bayreuth par Chéreau en 1976, voisinent avec les Filles du Rhin d’Anselm Kiefer, la Marche des pèlerins de Tannhäuser de Hugo Hodiener, les cygnes et les brumes photographiés par Antoine Wagner sur les traces de son aïeul.
Un peu plus loin, on retrouve la puissance des mythes avec le corps hybride du Minotaure peint par Picasso et le décor de la mise en scène de Phèdre par Chéreau.
Certaines salles sont de véritables chambres d’écho. Ainsi autour de son travail sur Koltès et Genet : des visages et des corps toujours, porteurs d’une grande intensité et d’une force brute. Celles des photographies d’hommes par Mapplethorpe, du regard de Basquiat, du portrait de Genet dessiné par Giacometti, de l’affrontement chorégraphié des Boxeurs de Géricault.
Autour du film La Reine Margot (1994), de nombreuses représentations de corps morts, comme les études de Géricault pour Le Radeau de la Méduse, reconstituent les sources d’inspiration du réalisateur pour évoquer la Saint-Barthélémy.
D’autres œuvres viennent prolonger la réflexion, comme la photographie tirée d’une performance de Marina Abramović, Balkan Baroque, qui dénonçait en 1997 les massacres perpétrés pendant les guerres de Yougoslavie.
Dans le Saint Sébastien soigné par Irène de Francesco Cairo et La Mort du jeune Bara de David, la violence est transfigurée par des gestes et des attitudes d’une infinie délicatesse.
Patrice Chéreau, écrit Richard Peduzzi, « finissait par croire que l’art et le théâtre dans toutes les formes qu’il prenait, dans toutes les répétitions de la mort, pouvaient guérir, arracher l’homme aux larmes et aux blessures » ; il « nous fait comprendre par une attitude et par l’harmonie des lignes la souveraineté d’un enfant qui dort, la force et la victoire de la vie sur toute chose ».
Dans le catalogue d’exposition, ses amis et compagnons de route témoignent. Catherine Tasca se souvient que « le plus frappant était de le voir diriger les acteurs, une direction jamais théorique, mais charnelle, chaleureuse, dans un étonnant pas de danse, presque corps à corps où jamais il n’imposait par la seule autorité mais où plutôt il accouchait du rôle ». Lui écrivait, dans ses dernières notes : « Le corps de l’acteur est mon écriture même. »
Gaëlle Bebin
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